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Le CE1D asticote nos élèves

Nous publions cet article exclusif à l’heure où nos joyeux cancres viennent de rendre leurs copies. Que le ministère se rassure donc : il n’y a pas eu de fuite avant l’épreuve. On a bien cru perdre l’exclusivité hier soir par la faute d’une enseignante qui a maladroitement diffusé notre scoop sur Youtube, mais le ministère, parano à l’idée de devoir annuler l’épreuve du CE1D comme ce fut le cas sous l’ère Milquet, veille tel un pandore, et la vidéo fut retirée sans qu’aucune information ne filtre. Secret-défense. Mais avec nous, le ver est dans le fruit... CE1D. On jurerait qu’il s’agit là d’un obscur additif alimentaire, mais dans la grande famille des acronymes de la FWB (Fédération Wallonie-Bruxelles), il désigne la très controversée épreuve externe certificative, imposée à tous les élèves de nos braves contrées francophones.

Décriée dans le milieu enseignant comme étant trop facile, avec un taux de réussite trop élevé, l’épreuve fait chaque année parler d’elle. Les détracteurs dénoncent une épreuve calibrée pour faire passer un maximum de moutons au-dessus de la barrière (qui se souvient du chat Flocon de l’épreuve de juin 2016 en français ? Les élèves de deuxième secondaire devaient notamment, après la lecture d'un texte, reconnaître parmi quatre photos de chats, Flocon, un matou noir avec une tache blanche au cou...), d'autres dénoncent un niveau de difficulté variable en fonction des matières...


Chef, un p’tit ver !

Nous avons obtenu une copie des consignes de la question 16 de l’épreuve du CE1D de sciences (livret 2 - “partie expérimentale”) qui a été distribuée aux élèves ce jeudi. On a bien rigolé.

Dans ce document de deux pages, on donne les consignes aux personnes qui réaliseront une expérience devant les élèves afin d’évaluer leurs compétences d’observation (ah oui, les fameuses “compétences” minimales - savoir observer). Et donc, le pauvre zigue qui a dû se taper la première heure de surveillance a dû présenter oralement le matériel requis :

Un tube transparent, un manchon de papier cartonné avec les indications “tête” et “queue”, une lampe, et surtout, tenez-vous bien : un ver de terre bien vivant qu’il faudra introduire dans le tube en question. Gaïa et la sphère animaliste vont adorer, on imagine leurs slogans : “à mort les entubeurs de lombrics !”, “touche pas à mon ver !”, on voit venir leurs exigences : “il faut étourdir les asticots avant de les entuber !”, “Les vers ne sont pas des cobayes, fin de l’expérimentation sur les lombrics !”. Bref, si ça les occupe, ça laissera peut-être un peu de répit aux boucheries halal en cette période de ramadan. Mais retournons à nos moutons.


Dans la suite des consignes, histoire que l’épreuve soit bien comprise, on demande au valeureux professeur de bien expliquer aux élèves qu’il s’agit d’un ver de terre. Et puis, on se poile encore, car il est demandé au prof d’introduire le ver dans le tube transparent légèrement humidifié à l’intérieur, et de cacher le ver par le manchon en papier cartonné. On imagine les profs se débattre avec un pauvre ver se contorsionnant pour éviter de se faire entuber, et on n’imagine même pas le regard larvaire des élèves découvrant le “matériel” expérimental.

Parlons-en, de l’expérience. Voici le mode opératoire :

On attend avec impatience les perles en provenance de cette épreuve édifiante (d’ailleurs, amis professeurs, envoyez-les nous !). Les vers, eux, ont intérêt à obéir aux injonctions des expérimentateurs, car même si le document préconise de remettre la bestiole dans son élément naturel à la fin de l’expérience, et que la FWB assure que les vers seront traités conformément à la loi relative à la protection et au bien-être des animaux, on peut s'inquiéter du sort des vermisseaux trop léthargiques ou indociles.


Enfin, cerise sur le terreau, il fallait imaginer ces profs fouiller dans leur jardin, dans les parterres, dans le compost, retourner la terre (hélas très sèche en cette saison) pour capturer ces malheureux lombrics. Et puisqu’il y a risque de pénurie de bestioles en raison de la sécheresse, la FWB a recommandé aux établissements de se fournir auprès des magasins de pêche (véridique). Point à la ligne.

Avec tout ça, on ne sait toujours pas ce que ce test certificatif évalue précisément chez nos élèves. La question interrogerait le cancre sur la réaction du ver face aux stimuli lumineux. De quoi stimuler les méninges, assurément.


Après le chat Flocon (qui porte bien son nom), et le martyr des vers de terre, que vont inventer les pédagogues de la FWB ? Chez Même Pas Peur, on aurait bien quelques pistes à suggérer : “observation des contorsions d’un cumulard en commission d’enquête”, ou encore “analyse des réactions de Theo Francken en immersion en milieu aqueux méditerranéen”.


En attendant, nous recommandons un bon vermifuge à cette joyeuse bande de pédagogues créatifs, car d’inquiétantes nouvelles nous parviennent de l’espace : la RTBF nous annonce aujourd’hui qu’un ver, envoyé dans le cosmos par des chercheurs américains dans le cadre d’une expérience, nous revient avec deux têtes. Un vrai casse-tête à queue pour nos expérimentateurs.


Le CE1D, trop facile ou trop compliqué ? Dans un article récent de l’Echo (journal des savanes libérales), Gérard Legrand, inspecteur général au service de l’inspection de l’enseignement fondamental, explique que l’épreuve du CEB (épreuve externe ayant lieu à la fin de la 6ème primaire) vérifie que les élèves disposent de toutes les compétences minimales qu’il faut avoir acquis à l’âge de 12 ans. L’épreuve est identique dans toutes les écoles, quel que soit leur niveau. L’inspecteur des travaux finis ajoute que pour certaines écoles, “ l’épreuve sera trop facile, et pour d’autres, trop complexe. Ces différences reflètent la réalité de la Communauté Française…”

En sachant que 91% des élèves concernés ont réussi leur épreuve du CEB l’an dernier (moyenne de toutes les matières testées), il faudrait réellement s’inquiéter des écoles qui la trouvent trop complexe. Ou vérifier si il n’y a pas lombric sous roche. Car après le taux de réussite vertigineux du CEB, vient la douche froide du CE1D. Dans une carte blanche dans Le Vif, en juin 2016, un collectif de parents (ASBL “Échec scolaire”) relevait la très nette différence des taux de réussite entre l’épreuve de mathématiques (58%) et celle de français (80%), alors que les tests PISA de 2012 relevaient un écart de 4% entre les deux matières évaluées. Ces parents en seraient même à soupçonner ces tests d’être des variables d’ajustement ou de sélection (suffit de faire varier la difficulté en fonction du marché ?) : si t’es trop nul en mathématiques à 12 ans, t’es bon pour la filière de relégation dans le qualifiant (technique ou professionnel, ces filières tellement bien valorisées dans notre marigot francophone), yakapa être con !

L’ASBL “Échec scolaire” déclarait par ailleurs dans un article de la DH que " le test n'évalue plus l'acquisition de compétences minimales. Il s'agit de la construction d'un concours qui sélectionne une élite qui, seule, aura le droit d'accéder à l'enseignement secondaire général. L'évaluation n'apporte aucune solution pour améliorer les performances des élèves. Elle n'est qu'un test, rien d'autre. De la même manière, on n'obtient pas la guérison d'une affection par son seul diagnostic. Or, la note de l'évaluation-sanction est un verdict sans appel qui condamne l'élève sans apporter de solutions à ses difficultés”. Bim.

La ministre, elle, défend ses équipes et ne jure que par le fumeux pacte d’excellence, qui répondrait, selon elle, aux critiques formulées. Saint McKinsey, priez pour nous ! Vous y voyez plus clair ? Non ? Ah.


EDIT : Pan sur le bec, quelques erreurs s'étaient glissées dans les statistiques citées... on se pose des questions sur les compétences de certains rédacteurs ;-)


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